Les distorsions cognitives


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LE RAISONNEMENT DICHOTOMIQUE

La première distorsion que je vous présente ici s’appelle le raisonnement dichotomique, ou l’art de penser en « tout ou rien » ou en « blanc ou noir ». C’est noir ou c’est blanc, ça ne peut pas être gris !
Lorsque la personne est dans cette erreur de pensée, ou distorsion cognitive, elle oublie qu’il existe toujours une version « intermédiaire » de ce qu’elle pense, même si elle y croit fermement.
Voici des exemples de ce que pourrait déclarer celui ou celle qui pense de manière dichotomique :
« J’ai raté mon examen de conduite, je suis un incapable » ou bien : « Mon cœur bat très fort, je vais faire une crise cardiaque » ou bien encore : « J’ai mal à la tête, c’est sûrement un AVC qui s’annonce ».
N’y a-t-il pas d’intermédiaires possibles à toutes ces pensées ?
Est-ce que toutes les personnes qui ratent un examen sont des incapables ?
Un cœur qui bat fort ne peut-il pas simplement être le signe d’une anxiété passagère, ou d’une montée d’adrénaline ? Ne vous est-il jamais arrivé d’avoir le cœur qui bat vite et fort avant aujourd’hui, sans être victime d’un arrêt cardiaque pour autant ? Toutes les personnes qui sentent battre leur cœur ont-elles systématiquement un arrêt cardiaque ?
Peut-on souffrir d’une migraine sans que celle-ci soit annonciatrice d’un accident vasculaire cérébral ?
Lorsqu’on se reconnait dans la pensée dichotomique, il est toujours intéressant et utile de rechercher, soi-même, des raisons intermédiaires à ce qu’on pense ou qu’on croit. Et surtout, se souvenir, que les pensées ne sont pas des faits.

LA PERSONNALISATION, ou l'art de penser que nous sommes le centre du monde

Cette erreur de pensée est courante, tout le monde en est « victime » sans même s’en rendre compte. Elle consiste à se focaliser sur un événement survenu et le relier directement à nous.
Exemple :
« Ma grand-mère est morte ce matin, elle ne serait pas morte si j’avais été davantage présente auprès d’elle ces derniers mois ».
« J’ai rêvé que nous allions nous séparer, sans ce foutu rêve nous serions toujours ensemble, et heureux ».
On oublie clairement que beaucoup de raisons diverses et variées peuvent être en cause dans le fait qu’une vieille dame soit décédée à son domicile, et qu’une rupture ait eu lieu.

LA SURGENERALISATION

Cette erreur de pensée consiste à choisir des événements négatifs particuliers et des circonstances uniques et à en tirer des conclusions générales « universelles ». C’est croire que tel événement, ou telle situation, arrive partout.
Exemple :
« Ce garçon n’a pas accepté mon invitation, je savais bien que je ne plairais jamais à personne ! »
« Je n’ai jamais vécu un seul bon moment de toute ma vie ! »
La surgénéralisation porte bien son nom. On vit un moment difficile, ou tout du moins désagréable, et on le généralise. En effet, les questions qui pourraient être posées dans ces cas précis sont :
Est-ce que le fait qu’un garçon refuse mon invitation est la preuve formelle qu’aucun autre garçon n’acceptera jamais une de mes invitations ?
Est-ce que je sais lire dans l’avenir pour m’exprimer ainsi ?
Jamais un seul bon moment de toute ma vie ? Vraiment ? Pas le moindre bon moment ? Je n’ai jamais apprécié un repas ? Pris du plaisir en prenant une douche ? Pris du plaisir en discutant avec mes amies ?

LE FILTRAGE MENTAL

C’est une tendance à s’attarder sur les détails négatifs d’une situation, amenant à percevoir l’ensemble de cette situation comme négative. Ne retenir qu’un détail d’un événement, puis l’interpréter en dehors de son contexte.
Il s’agit d’une abstraction sélective qui nuit fortement au dialogue interne.
Exemple :
« Ce repas était nul, parce qu’il n’y avait plus de mousse au chocolat pour le dessert ! »
« Cette randonnée en forêt était nulle, car sur la fin, j’ai entendu des chasseurs au loin ! »
La personne qui vit un filtrage mental fait un « zoom » sur le négatif et gomme le positif.

LA DRAMATISATION ET LA MINIMISATION

C’est amplifier l'importance de ses erreurs et de ses lacunes. Ou bien celles des autres, comme un ami ou un collègue de travail. C’est considérer un événement désagréable mais banal comme étant une véritable catastrophe.
La minimisation c’est, au contraire, minimiser ses points forts et ses réussites ou considérer un événement heureux comme banal.
Exemple pour la dramatisation :
« Julien n’a pas été capable de rendre le dossier « 1 » à l’heure, c’est un collègue sur lequel on ne peut pas compter ! »
« Mon oncle a bu un verre de trop à cette réunion familiale, pourtant je croyais que c’était quelqu’un de bien ! »
Exemple pour la minimisation :
« En effet, j’ai eu le poste. A mon avis, ils l’auraient donné à n’importe qui ! »

DISQUALIFICATION DU POSITIF (une suite à la minimisation)

C’est transformer une expérience positive ou neutre en quelque chose d’absolument négatif.
Par exemple :
« Laura m’a dit que j’étais gentil, en fait elle doit avoir pitié de moi. »

LE RAISONNEMENT EMOTIONNEL

Cette distorsion cognitive crée généralement beaucoup d’angoisse en nous. Elle consiste à raisonner face à une situation, en fonction de ce que nous ressentons comme émotion. « J’ai peur, c’est la preuve que ma situation est effrayante » « Je suis jalouse, c’est bien la preuve qu’il va finir par me tromper ».
En effet, on retrouve abondamment cette distorsion dans les problématique de jalousie.  
Exemple :
« Si je suis jalouse, c’est parce que mon compagnon a la secrète intention de m’être infidèle, au moment où je m’y attendrai le moins ! Sinon, je ne serai pas jalouse ! »
La crainte d’être trompé n’est pas la preuve que la tromperie va survenir. C’est l’angoisse de la tromperie qui crée la jalousie, pas la situation vécue. Et c’est là où se trouve l’erreur de raisonnement. Les affects (qui regroupent émotions et sentiments) influencent le système de raisonnement, on prend alors notre raisonnement pour une preuve rationnelle. D’une certaine manière, ce n’est pas notre raison qui s’exprime, mais nos affects. Ça donne un raisonnement émotionnel.

LES FAUSSES OBLIGATIONS (DEVRAIENT, DOIVENT ET FAUDRAIT) 

A mon sens, les faussent obligations, sont les erreurs de pensées qui nous éloignent le plus de la réalité, de la rationalité.
Se donner des fausses obligations, c’est avoir des attentes sur ce que l’on devrait être, faire, et sur ce que les autres devraient être ou faire, sans tenir compte de la réalité, de nos capacités et de celles des autres, et des ressources disponibles dans la situation.
Exemple :
« Tu devrais me parler sur un autre ton, car je déteste que l’on me parle ainsi ! »
« Je dois laver la voiture aujourd’hui ! »
« Tu n’aurais pas dû prendre l’autoroute pour te rendre chez ton oncle ! »
Ces fausses obligations génèrent automatiquement de la culpabilité et des sentiments de frustration, de colère et de ressentiment.
Et il y a-t-il une loi qui déclare que l’on devrait parler sur tel ou tel ton ? Il y a-t-il une autre loi à ne surtout pas franchir qui prétend que les voitures devraient être lavées tel jour à telle heure ! » Que ressentiriez-vous si vous remplaciez les mots « devrait », « falloir », par « j’aurais préféré », « je désire que… » ou encore « j’aurais souhaité que… » ? Car il est clair que le monde ne fonctionne pas selon nos propres règles ! C’est une difficile réalité qui, une fois acceptée, n’est plus une difficulté.

L’ETIQUETAGE 

« Etiqueter » est le fait de « déposer » un jugement définitif sur une personne, sur soi-même, sur un événement ou une situation. C’est catégoriser, cataloguer. Cette distorsion est très présente chez les personnes qui manquent de confiance en eux, et chez les colériques. Si l’on trouve qu’une personne est « mauvaise », ou « inutile », il est clair qu’on ressentira de la colère envers elle. Au contraire si l’on se dit qu’en cette occasion, bien spécifique, cette personne a mal agit, ça ne remet pas en cause la totalité de sa personnalité. Nos sentiments envers elle ne seront pas les mêmes, ils seront moins intenses. En n’étiquetant pas les autres ou les situations, nous nous sentons mieux.
Exemple :
« Le monde est dangereux ! »
« Je suis nul ! »
« Cette personne est mauvaise ! »
Le monde est-il dangereux partout ? Y compris quand vous êtes dans votre lit avec la personne que vous aimez ? Non, bien-sûr, le monde possède différentes facettes, il est plus ou moins dangereux selon les endroits, les régions, les pays…
Etes-vous réellement nul parce que vous n’avez pas réussi votre examen ? Vous étiez peut-être fatigué ? Ou dans de mauvaises dispositions ce jour-là ? C’est possible, non ? Vous pouvez rater un examen sans perdre votre valeur. Qui a déterminé qu’échouer dans ses études, par exemple, est une preuve de nullité ? Est-ce rationnel de penser que rater un examen est un échec existentiel ?
Peut-être cette personne a-t-elle mal réagi pour des raisons qui vous dépassent ? Des raisons personnelles ? Et qu’en dehors de cette situation, c’est une personne honnête, peut-être même attachante ? La connaissez-vous suffisamment pour la catégoriser ainsi ? La connaissez-vous personnellement, intimement ?
Nous amalgamons souvent l’ACTION avec LA PERSONNE qui commet ou réalise cette action. Peut-être devrions-nous accepter l’existence de degrés. Vous, comme tous les êtres humains, possédez diverses facettes. Beaucoup de facettes.
Dans la même lignée, il y a la conclusion hâtive.

CONCLUSION HÂTIVE 

La conclusion hâtive est une conclusion tirée sans aucune preuve évidente. Elle est anxiogène car elle a un impact important sur nos pensées et nos comportements. Et sur les pensées et les comportements que nous aurons dans le futur avec le sujet en question.
Exemple :
« Cet homme a l’air malhonnête ! »
Le connaissez-vous suffisamment, là encore, pour tirer de telles conclusions ?
Autre exemple :
« Regarde cette jeune femme, et sa coiffure. Ce doit être une sacrée bourgeoise ! »
On croit souvent que nos intuitions sont correctes. Mais les vérifions-nous suffisamment ? D’un point de vue cérébral, nos intuitions ne sont pas fiables. Et même si, dans de nombreux cas, elles étaient bonnes, est-ce la preuve qu’elles le seront à chaque fois, dans chaque nouvelles situations ? Non, bien-sûr, on ne peut pas savoir. Alors tirer une conclusion, sans preuve concrète, sur une intuition, nous propulse dans une position d’étiquetage.
Il y a aussi la télépathie. La télépathie, c’est croire que nous savons ce que les autres pensent, sans aucune preuve.
Exemple :
« Il ne m’a pas serré dit bonjour, c’est parce qu’il me déteste. »
Peut-être a-t-il d’autres préoccupations que vous. Peut-être subie-t-il des pressions dont vous n’avez pas connaissance ? Tentez d’envisager d’autres possibilités. En quoi le fait qu’il ne vous a pas dit bonjour est la preuve formelle qu’il vous déteste ? Où se situe le lien logique ? Concrètement, il n’y en a aucun.
Et puis il y a la divination. La divination consiste à faire des prédictions sur le futur et y croire fermement, comme s’il s’agissait d’un fait vérifiable.
Exemple :
« Je vais rester célibataire toute ma vie ! »
C’est une supposition. Et une supposition n’est pas un fait. Donc, n’est pas une réalité. Pensez bien que nous possédons deux systèmes de réflexion. Un système intuitif et un système rationnel. Le système intuitif est le moins fiable des deux, car il est biaisé. C’est à cause de ce système-là que nous avons des distorsions cognitives.
Nos intuitions peuvent être fausses, il faut le retenir !

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